18 avril 2017

Pénélope, chrétienne et première victime des affaires, amènera-t-elle son mari au changement ?



Dans le tumulte des accusations et les circonvolutions des systèmes de défense, on a très peu parlé des affres dans lesquelles Pénélope Fillon a été plongée. C’est pourtant elle la première véritable victime de l’affaire qui porte son nom. On se représente sans doute assez mal l’épreuve qu’elle a traversée – et qu’elle continue de traverser.

Élevée au Royaume-Uni dans des valeurs chrétiennes sans doute vécues et mises en pratique de manière assez rigoureuse si ce n’est rigoriste, elle s'était mariée – du moins le croyait-on - avec un homme honorable lui-même élevé dans ces mêmes valeurs, et la voici à 60 ans obligée de mentir dans la presse. Depuis le début des affaires, elle n'a accepté de parler, visiblement à contrecœur, qu'une seule fois à un grand journal, cela dans une interview millimétrée qu'on imagine préparée avec le plus grand soin par des professionnels de la communication, afin d'éviter de nuire à la défense de son mari. Elle est, de plus, mise en examen par solidarité conjugale.

Elle découvre ainsi que, dans sa belle-famille, les valeurs chrétiennes se déclinent exclusivement le dimanche. Comme bien des paroissiens ou paroissiennes, chez les Fillon, on dodeline sans doute un peu de la tête tandis que le curé lit l’évangile, par exemple l’évangile selon saint Matthieu chapitre 6, versets 19 à 21 : « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. »

Ou alors au chapitre 5 du même évangile, versets 23 à 26 : « Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande. Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu'il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l'officier de justice, et que tu ne sois mis en prison. Je te le dis en vérité, tu ne sortiras pas de là que tu n'aies payé le dernier quadrant. »

Il est vrai que le président américain Coolidge s'était distingué en rentrant du culte dominical en n'ayant retenu que "le pasteur avait parlé du péché" et qu'il "était plutôt contre." Mais chez les Fillon, dès la sortie de l’église, on passe à la vraie vie, et là, bien loin du prêche, on cherche surtout à accumuler le plus d’argent possible tout en n'admettant jamais aucune responsabilité, ou quelque éventualité de réparation que ce soit – que ce soit pour des questions d’enrichissement personnel ou par exemple pour une quelconque « bavure » des colonisateurs français envers les peuples mis sous tutelle.

C’est donc à une version assez éloignée de la lettre des évangiles qu’adhère la famille Fillon. Le candidat François Fillon, pourtant, n’hésite pas à se revendiquer chrétien. Il s’agit certes avant tout d’une adhésion traditionnelle et identitaire, porteuse de messages politiques. Mais peut-on rester longtemps ainsi dans l’ambiguïté de revendiquer une religion sans adhérer à son message ? Sans doute pas. Bruno Bettelheim a montré à quel point ceux qui ont cru abuser le système nazi en se prêtant aux rituels hitlériens avec une réserve mentale ont été en fait absorbés malgré eux par le système. De même peut-on se contenter d’allumer des cierges et d’écouter des homélies sans être un jour touché par le message évangélique ou par une protestation de sa conscience ? Certes, au vu de ses positions de ces trois derniers mois, François Fillon pourrait se raidir dans son orgueil et se figer dans ses contradictions jusqu’à la fin de ses jours. Pénélope vivrait alors, telle un personnage de tragédie grecque, déchirée entre sa loyauté conjugale et sa conscience chrétienne, cela en sus de son chemin de croix judiciaire. Gageons que François Fillon, par amour pour sa femme, ne la laissera pas souffrir ainsi. Il reste dès lors deux issues possibles.

Première hypothèse, François Fillon est le « jeune homme riche » que Jésus aima  et à qui il conseilla de vendre tous ses biens, pour constater ensuite qu’il s’éloignait de lui, accordant finalement la préférence aux biens de ce monde (évangile selon Saint-Marc, chapitre 10, versets 21 à 25). C’est un premier scenario, car « il sera difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans le royaume de Dieu ! » On devrait alors assister après les élections à une forte et rapide érosion des convictions catholiques affichées de François Fillon. La tristesse de François mais aussi de Pénélope Fillon seront à l’égal de celle du jeune homme riche de l’évangile.

Deuxième hypothèse, le christianisme de François Fillon prend le dessus et il y aura dans quelques années une série de révélations voire de réparations. François Fillon quittera la politique après quatre décennies d’une carrière brillante tout en marquant à quel point il donne la préférence aux réalités spirituelles sur les accomplissements humains. J’ai la faiblesse de croire que Pénélope mais aussi François Fillon seront alors soulagés, libérés et heureux. Ce serait aussi une joie pour les autres chrétiens et un exemple pour les générations suivantes.