Pénélope, chrétienne et première victime des affaires, amènera-t-elle son mari au changement ?
Dans le tumulte des accusations et les circonvolutions des systèmes de
défense, on a très peu parlé des affres dans lesquelles Pénélope Fillon a été
plongée. C’est pourtant elle la première véritable victime de l’affaire qui
porte son nom. On se représente sans doute assez mal l’épreuve qu’elle a traversée –
et qu’elle continue de traverser.
Élevée au Royaume-Uni dans des valeurs chrétiennes sans doute vécues et
mises en pratique de manière assez rigoureuse si ce n’est rigoriste, elle s'était mariée –
du moins le croyait-on - avec un homme honorable lui-même élevé dans ces mêmes
valeurs, et la voici à 60 ans obligée de mentir dans la presse. Depuis le début des affaires, elle n'a accepté de parler, visiblement à contrecœur, qu'une seule fois à un grand journal, cela dans une interview millimétrée qu'on imagine préparée avec le plus grand soin par des professionnels de la communication, afin d'éviter de nuire à la défense de son mari. Elle est, de plus, mise en
examen par solidarité conjugale.
Elle découvre ainsi que, dans sa belle-famille, les valeurs chrétiennes se déclinent
exclusivement le dimanche. Comme bien des paroissiens ou paroissiennes, chez les Fillon, on
dodeline sans doute un peu de la tête tandis que le curé lit l’évangile, par
exemple l’évangile selon saint Matthieu chapitre 6, versets 19 à 21 : « Ne vous
amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et
où les voleurs percent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel,
où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni
ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. »
Ou alors au chapitre 5 du même évangile, versets 23 à 26 : « Si
donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton
frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va
d'abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande. Accorde-toi
promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur
qu'il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l'officier de justice, et
que tu ne sois mis en prison. Je te le dis en vérité, tu ne sortiras pas de là
que tu n'aies payé le dernier quadrant. »
Il est vrai que le président américain Coolidge s'était distingué en rentrant du culte dominical en n'ayant retenu que "le pasteur avait parlé du péché" et qu'il "était plutôt contre." Mais chez les Fillon, dès la sortie de l’église, on passe à la vraie vie, et là, bien loin du prêche, on cherche
surtout à accumuler le plus d’argent possible tout en n'admettant jamais
aucune responsabilité, ou quelque éventualité de réparation que ce soit –
que ce soit pour des questions d’enrichissement personnel ou par exemple pour
une quelconque « bavure » des colonisateurs français envers les
peuples mis sous tutelle.
C’est donc à une version assez éloignée de la lettre des évangiles qu’adhère la
famille Fillon. Le candidat François Fillon, pourtant, n’hésite pas à se revendiquer
chrétien. Il s’agit certes avant tout d’une adhésion traditionnelle et identitaire,
porteuse de messages politiques. Mais peut-on rester longtemps ainsi dans l’ambiguïté de
revendiquer une religion sans adhérer à son message ? Sans doute pas. Bruno
Bettelheim a montré à quel point ceux qui ont cru abuser le système nazi en se
prêtant aux rituels hitlériens avec une réserve mentale ont été en fait absorbés
malgré eux par le système. De même peut-on se contenter d’allumer des cierges et
d’écouter des homélies sans être un jour touché par le message évangélique ou
par une protestation de sa conscience ? Certes, au vu de ses positions de ces trois derniers mois, François Fillon pourrait se raidir dans son orgueil et se figer dans ses
contradictions jusqu’à la fin de ses jours. Pénélope vivrait alors, telle un
personnage de tragédie grecque, déchirée entre sa loyauté conjugale et sa conscience
chrétienne, cela en sus de son chemin de croix judiciaire. Gageons que François
Fillon, par amour pour sa femme, ne la laissera pas souffrir ainsi. Il reste
dès lors deux issues possibles.
Première hypothèse, François Fillon est le « jeune homme riche »
que Jésus aima et à qui il conseilla de
vendre tous ses biens, pour constater ensuite qu’il s’éloignait de lui, accordant
finalement la préférence aux biens de ce monde (évangile selon Saint-Marc,
chapitre 10, versets 21 à 25). C’est un premier scenario, car « il sera
difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans le royaume de Dieu ! » On devrait alors assister après les élections à une forte et rapide érosion des convictions
catholiques affichées de François Fillon. La tristesse de François mais aussi
de Pénélope Fillon seront à l’égal de celle du jeune homme riche de l’évangile.
Deuxième hypothèse, le christianisme de François Fillon prend le dessus et
il y aura dans quelques années une série de révélations voire de réparations. François
Fillon quittera la politique après quatre décennies d’une carrière brillante
tout en marquant à quel point il donne la préférence aux réalités spirituelles
sur les accomplissements humains. J’ai la faiblesse de croire que Pénélope mais
aussi François Fillon seront alors soulagés, libérés et heureux. Ce serait aussi une joie
pour les autres chrétiens et un exemple pour les générations suivantes.
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