30 mai 2005

De l'incompétence en politique (française)

J'immigre en Slovaquie le 1er Juillet, oh, pas pour la vie, pour une mission de deux ans tout en laissant ma famille en France, car tel est l'arrangement qui convient à tous. Les allers-retours seront donc nombreux sur SKY Europe, cette société aérienne slovaque à capitaux belges qui occupe à présent une belle part de marché du transport aérien en Europe centrale (quel dynamisme!).
Au moment où la France vote non à la constitution européenne, c'est tout un symbole. Cela fera du bien de prendre quelque distance par rapport à notre classe politique franco-française.

Quelle suffisance! Quelle incompétence! Quel gâchis!

Cela commence avec l'homme qui incarne la constitution européenne, qui prend la liberté de la présenter en parlant haut et fort du grand danger que la Turquie présenterait pour l'Europe - cela sans consulter personne bien évidemment, la centaine de personnalités européennes qui ont collaborré à la rédaction de ce texte en est ainsi dépossédée. A la réflexion, il n'y avait d'ailleurs pas de propos plus efficace à tenir pour créer un climat de défiance autour de la constitution européenne. (Et puis quelle prise de conscience tardive de la géographie ; si la Turquie "n'est pas en Europe", n'aurait-il pas été plus expédient d'en faire état entre 1974 et 1981 ?)

Cela continue avec l'homme qui nous gouverne et qui sait bien que dans la tradition de la cinquième république du référendum-plébiscite, on répond traditionnellement dans nos référendums à tout sauf à la question posée sur le papier, un homme qui poursuit sa longue série de manoeuvres politiques maladroites aux conséquences désastreuses. Heureusement, François Mitterrand a mis fin, avec quel brio, et avec quelle absence totale de sens moral, au sens de l'honneur que cultivait le général de Gaulle. Un désaveu électoral si grand soit-il n'a donc plus aucune espèce de conséquence. C'était donc un référendum-plébiscite sans risque pour le locataire de l'Elysée, dont les seules victimes seront éventuellement la France et l'Europe. Si vous en doutiez, considérez le demi-sourire du chef de l'Etat dans son allocution télévisée du 29 mai au soir : il n'a pas vraiment l'air personnellement affecté par les résultats.

Cela se poursuit encore avec l'ex-plus jeune premier ministre "que j'ai donné à la France" comme disait François Mitterrand. Pour quelqu'un qui "souhaite l'Europe de toutes ses forces" (disait-il dans son premier discours de politique générale), pour quelqu'un qui a porté le projet d'élargissement à l'Espagne et au Portugal, il porte particulièrement la responsabilité de ce qui va se produire maintenant, car sans la respectabilité et la crédibilité qu'il a a apporté au vote non, par une campagne personnelle insidieuse et irrespectueuse de la disicipline de son parti, sans cette alliance contre nature de jeune docteur Faust en mal de pouvoir avec les extrêmistes néo-fascistes et néo-trotskystes qui continuent de peupler notre paysage politique désuet, bref sans l'action personnelle de notre ex-plus jeune premier ministre, la victoire du non n'eût pas été possible.

Nous allons voir comment nos brillants esprits vont maintenant expliquer aux hommes politiques - tant libéraux que socialistes - des autres pays européens ce que veut la France, et surtout comment ils vont l'obtenir. Car les hommes politiques des autres pays européens ne sont sans doute pas énarques, certains sont sans doute même issus des classes populaires et montés au travers du syndicalisme, mais ils ne sont pas fous, et ils sauront négocier et obtenir de la France de nouvelles concessions pour prix de son inconstance.

Je ne suis pas mécontent de devoir assister à cet épisode depuis un point d'observation extérieur. Et puis si c'est un pays dont les dirigeants ont les pieds sur terre, sans doute peut-on en apprendre quelque chose.