Guy Béart, ce migrant
La mort de Guy
Béart ne laisse personne indifférent mais dit-on assez que cet artiste emblématique
de Saint-Germain-des-Prés, cet ambassadeur de la culture française fut d’abord
un migrant ? La France oublie trop facilement ce qu’elle doit aux
migrants.
Certes la
migration a toujours été, est et sera toujours une réalité qui provoquera d’abord
des peurs. Mais la raison doit ici être appelée à la rescousse.
Une politique de
rejet des migrants aurait privé la France de, par exemple, Maria Salomea
Skłodowska, d’Alberto Wladimiro Alessandro Apollinare de Kostrowitzky, de Guy
Behar-Hassan, d’Ezra Benveniste ou de Pietro Cardini, qui sont sans doute plus
connus sous leurs noms francisés de Marie Curie, Guillaume Apollinaire, Guy
Béart, Emile Benveniste et Pierre Cardin. (Encore me suis-je borné à collecter
quelques noms en tête d’une liste alphabétique bien plus longue.)
Pour en rester à ces
cinq noms, il s’agit d’une scientifique d’exception, venue en France à 24 ans
parce que les carrières universitaires étaient fermées aux femmes en Pologne à
l’époque, première femme à obtenir un prix Nobel, et seule (homme ou femme) à en
obtenir deux dans deux domaines scientifiques différents ; il s’agit ensuite
d’un poète majeur du 20ème siècle, sujet polonais de l’Empire russe né
en Italie, mort à 38 ans (en 1918) sous l’uniforme français ;il s’agit encore
du chanteur que tout le monde pleure aujourd’hui, distingué par le Prix de l’Académie
française pour l’ensemble de son œuvre, né au Caire et scolarisé à Beyrouth avant
de venir à Paris en quête de son diplôme d’ingénieur ; il s’agit aussi de
l’un des plus grands linguistes du 20ème siècle, né à Alep en Syrie
(tiens ?) et devenu français à 22 ans. Que dire enfin du représentant
emblématique de la haute couture et du bon goût français, né en Italie près de
Trévise, qui est par ailleurs un entrepreneur et chef d’entreprise créateur d’emplois,
et l’un des Français les connus à l’étranger ?
Pendant que j’y
suis, nous devrions aussi nous passer du plus français des Gaulois, Astérix,
dont les auteurs sont tous deux nés de parents étrangers, respectivement
italiens et polonais.
Alors, quand je
vois aujourd’hui la quantité d’ingénieurs, de techniciens et d’autres personnes
de haut niveau parmi les migrants syriens et irakiens qui entrent actuellement
dans l’Union européenne – et qui ont trouvé le courage et la détermination
nécessaires pour entreprendre ce dangereux voyage , je pense que ce sont les
pays hôtes qui sont les véritables et indiscutables gagnants.
Par ailleurs il y
a quelques faits à prendre en compte concernant notre avenir. D’après le commissaire européen Cecilia Malmström intervenant en 2012 à la Haye lors de la
consultation sur les migrants et les réfugiés, si elle était privée d’immigration,
l’Union européenne verrait sa population en âge de travailler diminuer de 12% d’ici
2030. Il y a déjà aujourd’hui un déficit estimé entre 380.000 et 700.000
personnes employables dans les technologies de l’information, et d’ici 2020, il
y aurait un déficit de deux millions de personnes employables dans le secteur
de la santé.
En clair, s’il n’y
avait pas eu d’immigration jusqu’à présent, il n’y aurait pas assez de
personnel pour s’occuper de ma vieille mère dans sa maison de retraite, et s’il
n’y en avait plus à partir de maintenant, il n’y aurait personne pour s’occuper
de moi quand j’en serai à ce point à mon
tour !
Comme lors des
précédentes vagues d’immigration, celle d’aujourd’hui va d’abord exiger un
effort de la part de tous mais une fois que les migrants seront installés, ils seront
les bâtisseurs de nos pays, leur nouvelle patrie, dont ils seront demain les
Marie Curie ou les Guy Béart.