24 juin 2011

La douche de Guy Carlier n’était plus tellement froide

J’ai été surpris d’entendre ce vendredi matin à 8 heures moins 10 sur Europe que c’était la dernière séance, pardon la dernière chronique de Guy Carlier et qu’après, eh bien le rideau allait tomber. Il est vrai qu’il va se relever immédiatement sur le one-man-show que Monsieur Guy Carlier en a profité pour faire promouvoir discrètement. C’est que notre mauvaise langue matinale était dans les affaires avant et il y a des réflexes qui ne se perdent pas. Sous son apparence simple voire prolétarienne de petit gars du Nord qu’on ne serait pas surpris de rencontrer à la baraque à frites, Guy Carlier a tout de même été à la fin des années 1970 le directeur financier de la Becob, société d'importation de bois précieux africain, une affaire familiale dont l’héritier n’est autre que Bernard Henri Lévy et d’une société hélas aujourd’hui disparue de l’empire Adnan Kashoggi, empire bâti sur la finance et le négoce des armes.
Mais les comptables n’ayant pas beaucoup d’humour, Guy Carlier a heureusement su se reconvertir en chroniqueur vachard et vaguement démagogique, fustigeant d’ailleurs régulièrement les vacheries et la démagogie chez les autres.

Moi je m’étais habitué à entendre Guy Carlier le matin, articuler d’une voix légèrement traînante ses critiques parfois marrantes et parfois sentencieuses contre les patrons, le gouvernement, les hommes politiques, les footballeurs, le PSG et surtout Laurence Ferrari, l’élocution légèrement embarrassée du chroniqueur, rehaussée de quelques cuirs, venant à point nommé illustrer la pertinence de son relevé quasi quotidien des fourchages de langues de Laurence Ferrari. Je n’ai jamais compris la raison de cette hostilité persistante de Guy Carlier envers cette présentatrice, ce qui d’ailleurs m’attristait plutôt parce que Laurence Ferrari, moi j’aime bien la regarder au 20 heures. C’est vrai qu’elle est belle et intelligente et que, quelque part, elle illustre le caractère injuste de la vie et peut susciter des jalousies. Par exemple, Guy, lui, il est seulement intelligent.

Je n’ai pas compris non plus son animosité envers les petits clubs de foot de 1ère et 2ème division, ceux qui n’ont pas des noms évocateurs de gloire passée, vous savez, les Nancy, Metz, Evian-Thonon-Gaillard et autres. Il y a là une forme de mépris que même le rire et le sourire font difficilement passer.

D’ailleurs il en a remis une couche ce matin, dans sa dernière chronique, révélant une panne totale d’inspiration sans doute à l’origine de l’arrêt de sa chronique, la prétendue douche froide se résumant trop souvent à un petit filet d’eau tiède. Il y avait pourtant bien d’autres sujets rigolos dans l’actualité : l’ouverture d’une école de football à cinq par Zizou, la psychose de l’infection à l’Esterichia Coli qui se semble se propager à la vitesse de la lumière ou bien la crétinerie du ministre de l’Education, incapable de comprendre qu’en supprimant le premier exercice d’un devoir de maths, on scie les pattes à tous les élèves faibles et moyens en les privant des seuls points qu’ils auraient été en mesure d’engranger - lequel ministre essaie ensuite de rattraper sa bourde par une plus grosse encore en donnant des consignes floues pour faire cadeau du bac à un maximum d’élèves créant un climat d’anarchie totale où les marges d’appréciation des jurys seront énormes.

Pour en revenir à Guy Carlier, qui nous a tout de même fait passer de bons moments ces deux dernières années, je trouve donc qu’il a un peu raté sa sortie. A défaut de faire son éloge, de rappeler élégamment qu’il avait coutume de dépasser son horaire, j’aurais aimé que la programmation se rappelle que Guy Carlier aime bien la chanson et nous gratifie par exemple de quelques mesures de Renaud : « c’est mon dernier bal, ma dernière virée, demain dans le journal, y aura mon portrait. »

23 juin 2011

Autopsie d'une dénonciation (merci la CGT)

Suite au coup médiatique de la CGT sur les réflexions de PSA concernant l’avenir de ses usines, les commentaires pleuvent, en majorité pour dénoncer la duplicité des responsables de PSA, qui disent fabriquer français aujourd’hui mais qui prennent par ailleurs des dispositions pour fabriquer davantage à l’étranger à l’avenir et cela en secret ! La réalité a beau être que PSA a investi deux milliard d’Euros en deux ans en Europe dont 75% en France, le doute est entré dans tous les esprits.

Face au déluge de « yfodrè » et de « yoréka » de la part des stratèges de comptoir, deux remarques de bon sens s’imposent.

D’abord que dirait-on si un groupe industriel de la taille de PSA ne réfléchissait pas à l’avenir ? On reprocherait très vivement leur incompétence aux dirigeants voire on les congédierait sans ménagement, tel Christian Streiff récemment. Gouverner aujourd’hui, c’est plus jamais prévoir et prévoir c’est planifier intelligemment, dans leurs moindres détails, les divers scenarios permettant de faire face à toute éventualité, cela sans doute plus modestement que le Pentagone qui tient à jour une centaine de plans de déploiement militaire, mais néanmoins avec sérieux et des mises à jour en permanence. Et que dirait-on si de tels plans stratégiques étaient sur la place publique ? On sait que l’Etat-major de Napoléon III a fait perdre la guerre de 1870 en dévoilant ses intentions aux journaux ; on imagine ce qu’il en coûterait au Groupe PSA de communiquer ses nouveaux projets et leurs lieux de fabrication à la concurrence.

D’autre part, il faut se préoccuper très activement de restaurer la compétitivité économique de la France. Aucune entreprise ne pourra à terme maintenir d’emplois en France sans une stratégie de compétitivité à l’échelle nationale. Cette désertification industrielle et économique de la France devrait être une préoccupation majeure pour les Français qui, à juste titre, comptent sur leurs entreprises pour leur fournir des emplois, financer la sécurité sociale et l’administration de l’Etat, et assurer la prospérité nationale en exportant des biens et des services. Et pourtant strictement rien ne se passe lorsque les entreprises annoncent que les mauvaises conditions de compétitivité de l’économie française vont les conduire inexorablement soit à la fermeture, soit à la délocalisation, donc à la perte de nos emplois. Ce manque de pragmatisme coupable, qui conduit de trop nombreux politiques à promouvoir sans véritable réflexion des recettes idéologiques issues des siècles passés nous coûte très cher. (Eurostat nous apprend justement ce 21 juin 2011 que les Pays-Bas et l’Allemagne ont parfaitement surmonté la crise financière améliorant leur niveau de vie par rapport à la France qui est restée stable.)

Pourtant les experts ont été nombreux ces dernières années à nous alerter sur la gravité de notre déficit de compétitivité et à proposer des solutions. Que sont donc devenues les 316 propositions émises par Jacques Attali, peu suspect d’être de droite, dans son rapport de janvier 2008 ? En janvier 2011, un nouveau rapport, dû à l’Institut COE-Rexecode, a été remis au ministre de l’économie. Citation : « A partir du début des années 2000, une divergence de compétitivité sans précédent historique est apparue entre l’industrie allemande et l’industrie française, au détriment de cette dernière. Depuis, l’écart de compétitivité s’accroît. » Cet écart croissant de compétitivité est décrit par les chercheurs comme le fruit de la divergence des politiques adoptées par les deux pays. Dès le début des années 2000, l’Allemagne a mis en place une stratégie de compétitivité forte fondée sur la maîtrise des finances publiques, une plus grande flexibilité du marché du travail et la modération salariale (réforme Hartz). Simultanément, la France « impose une réduction forte et uniforme » de la durée du travail par la loi, qui engendre une augmentation croissante du coût moyen de l’heure de travail dans l’industrie. A quoi s’ajoutent les facteurs structurels défavorables à la France habituels : le manque de PME, le poids excessif de la recherche publique, etc. (http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/competitivite-france-allemagne-ecart-question.html)
Selon le service de recherches économiques de Natixis, l’écart de compétitivité vient aussi … des délocalisations de sous-traitants plus fortes en Allemagne : "Quand on regarde un produit allemand par rapport à un produit français, on voit donc que la partie correspondant à la valeur ajoutée locale (allemande ou française) a été réalisée à des coûts salariaux similaires, mais que les consommations intermédiaires importées, réalisées avec les coûts salariaux faibles des pays émergents, sont de plus grande taille en Allemagne, ajoutent-ils. Le coût salarial unitaire total subi pour la production des biens est donc plus faible en Allemagne qu'en France". (http://bercy.blog.lemonde.fr/2011/03/14/ecarts-de-competitivite-france-allemagne-le-poids-de-lexternalisation/)
La frilosité en la matière ne sert donc pas l’objectif de création d’emplois; d'ailleurs les taux de chômage publiés par Eurostat le montrent : sur les quatre premiers mois de 2011 : France = moyenne Union européenne = 9,5% ; Allemagne (y compris l’Est toujours plus ou moins sinistré) = 6,25% ; Pays-Bas (qui n’ont pas d’Est) = 4,5% ...
L’institut COE-Rexecode recommande donc l’adoption d’un « pacte de compétitivité industrielle », afin de réaliser, comme en Allemagne, « une succession de profondes réformes du marché du travail et une politique de compétitivité assumée par les partenaires sociaux et les milieux politiques ».
Pour sauver Aulnay, Sevelnord, leurs fournisseurs de proximité et bien d’autres sites industriels, je dirais qu’on a drôlement intérêt à s’en occuper sérieusement, à droite comme à gauche (et merci à la CGT d'avoir remis ce sujet au centre des préoccupations politiques).